jeudi 13 décembre 2012

Le briefing d'avant-match



Le briefing avant le début d'un match ou d'une compétition constitue un levier d'action privilégié pour l'entraîneur : c'est l'occasion de créer des conditions favorables à la performance. Mais qu'est ce qu'un briefing efficace? Difficile de faire des généralités tant le contexte peut varier : sport individuel vs. collectif, importance de la compétition, conditions psychologiques dans lesquelles les athlètes l'abordent (confiance, anxiété), nature de l'adversaire, possibilité pour le coach d'intervenir en cours de compétition ou non. Voici néanmoins quelques repères importants pour réussir le briefing :

- il doit être court : la capacité d'attention des individus est limitée, encore plus dans une situation potentiellement stressante. Il faut donc se focaliser sur le ou les messages essentiels.

- il doit être spécifique : quoi de plus ennuyeux pour un sportif d'entendre toujours les mêmes phrases, compétition après compétition, match après match. Un discours entendu 10 fois, 15 fois perd clairement en efficacité. D'autant qu'on n'aborde pas une compétition à domicile comme une compétition à l'extérieur, ni une partie dans la peau du favori comme celle dans la peau du challenger.

- il doit être centré sur ce que les athlètes doivent faire, plus que sur l'enjeu ou l'adversaire. Cela a le mérite de donner un sentiment de contrôle de la situation aux athlètes, et de centrer leur attention sur des éléments qui dépendent d'eux. Cela permettra aussi après la partie d'évaluer la performance des athlètes non en fonction du résultat, mais en fonction des comportements attendus.

- il doit être adapté aux besoins des athlètes : certains entraîneurs réalisent même des entretiens en cours de saison, en amont des échéances les plus importantes, pour demander à leur athlète ce qu'ils attendent de leur entraîneur dans les minutes qui précèdent la compétition. Bien connaître son athlète permet ainsi au coach d'avoir la posture la plus adaptée.

- il doit être positif : l'activation dite "négative" est à manier avec la plus grande prudence. Le fait d'insister sur les risques, de critiquer et a fortiori de menacer provoque généralement un excès de stress chez les athlètes. Mieux vaut encourager, motiver, positiver.

- enfin, pour toutes les raisons évoquées plus haut, et compte tenu de l'incidence qu'il peut avoir sur la performance des athlètes, il doit être préparé.

mercredi 21 novembre 2012

"Ils ne mouillent pas le maillot!"

Lorsque leur club favori subit une série de défaites, c'est souvent la même explication qui revient chez les supporters : "Les joueurs ne mouillent pas le maillot. Ils ne font pas les efforts. Ce sont des mercenaires, ils s'en fichent du club." Explications données avec des trémolos d'indignation dans la voix.

Le point qui m'interpelle : pourquoi les supporters privilégient presque toujours cette explication-là? Je ne dis pas qu'elle est fausse, elle s'applique sans doute dans certains cas. Mais certainement pas dans la majorité. Bien d'autres raisons peuvent expliquer une série de défaites : un niveau de jeu trop faible, une crise de confiance, une fatigue due à l'accumulation des efforts, un manque de réussite, des conflits au sein du groupe... Alors pourquoi cette explication revient si facilement dans la bouche des fans, parfois contre l'évidence même?


C'est parce qu'elle leur procure des bénéfices : pas au sens financier bien sûr, mais au sens psychologique. Pas toujours conscients, mais pour autant très puissants. Quels sont-ils?


  • De l'espoir : si les joueurs mouillent enfin le maillot, le club redressera la barre. Ce serait par exemple beaucoup plus désespérant d'expliquer les échecs successifs par un manque de talent : difficile d'élever son niveau du jour au lendemain.
  • Un échappatoire à leurs émotions négatives : face à de mauvais résultats, un supporter expérimente des émotions négatives : tristesse, amertume, colère. Il est utile dans ce cas d'avoir un bouc émissaire sur qui cristalliser ses émotions. Les joueurs, avec l'entraîneur, sont souvent des coupables tout désignés. Il est plus facile de s'énerver contre quelqu'un qui ne fait pas d'effort, que contre un pauvre bougre en manque de confiance, de réussite, ou de talent.
  • Un bénéfice identitaire : en mettant les joueurs plus bas que terre, on apparaît par comparaison comme quelqu'un de bien. "Avec tout ce qu'ils gagnent en plus!" (comprendre : par rapport à moi qui gagne beaucoup moins et qui pourtant soutient l'équipe à fond). "Ce ne sont que des mercenaires" (comprendre : par rapport à nous qui soutenons le club depuis toujours, nous, les vrais piliers du club).

Il ne s'agit pas de dire que les supporters qui réagissent ainsi ont tort sur le fond. Il arrive effectivement que des équipes ou des joueurs démissionnent. Il ne s'agit pas non plus d'assimiler ces supporteurs à des calculateurs machiavéliques (ces "calculs" sont bien souvent inconscients).  Mais d'affirmer que les supporters sélectionnent souvent cette explication parmi d'autres, parce qu'elle présente pour eux un meilleur ratio coûts/bénéfices.

mercredi 7 novembre 2012

Après quoi courent-ils?


Derrière l'image habituelle du sportif beau, jeune, riche et en bonne santé, se cache souvent une toute autre réalité : la vie du sportif de haut niveau n'a rien d'évident. Les sources de stress sont nombreuses : difficultés à conjuguer la carrière sportive avec la vie familiale, scolaire ou professionnelle; incertitude du résultat, pression liée aux attentes des proches et du grand public, incertitudes sur le renouvellement des contrats, blessures. Bref, le parcours du sportif est souvent un parcours du combattant fait de sacrifices, de moments de doutes, de tensions fortes. Vu  sous cet angle, on peut légitimement se demander ce qui motive les sportifs à mener une carrière à haut niveau. Autrement dit, APRES QUOI COURENT-ILS? 



Une revue de la littérature en psychologie du sport m'a amené à isoler 6 SOURCES DE MOTIVATION, certaines dites "intrinsèques", c'est à dire en lien direct avec la pratique du sport, d'autres dites "extrinsèques", c'est à dire liées à des bénéfices découlant indirectement de la carrière à haut niveau.

Parmi les sources intrinsèques :
- le dépassement de soi : faire du sport pour se challenger, se dépasser, progresser, battre ses propres records. 
- la recherche d'émotions : la pratique du sport est alors fortement associée à la recherche de bien-être. On retrouve par exemple cette motivation chez des sportifs en fin de carrière, qui estiment qu'ils n'ont plus rien à "prouver", et continuent "pour le plaisir".
- le goût de la compétition : le sport de haut niveau donne l'occasion de se confronter aux autres. Les personnes qui ont un esprit de compétition développé, qui s'évaluent par rapport aux autres, qui ont le besoin d'être le (la) meilleure(e) trouvent dans le sport de haut niveau un terrain de jeu particulièrement propice.

Parmi les sources extrinsèques :
- la reconnaissance sociale : le haut niveau est associé à une forme de célébrité. Etre admiré, reconnu, apprécié du grand public et des médias peut clairement être un moteur pour certains sportifs.
- la reconnaissance des proches : le haut niveau est souvent une affaire de famille. Répondre aux attentes conscientes ou non d'un parent, d'un entraîneur, d'un conjoint est souvent au coeur de la motivation du sportif.
- le niveau de vie : dans les sports les plus médiatiques, les carrières sont fortement rémunératrices. L'argent est ainsi un puissant moteur pour les personnes, en particulier lorsqu'elles viennent de milieux sociaux modestes.

Le profil de motivations est différent d'un sportif à l'autre. Prendre conscience de son profil s'avère un réel atout pour un sportif désireux de gérer au mieux sa carrière. Cette connaissance est également essentielle pour le staff, que ce soit pour recruter le sportif ou pour jouer sur les bons leviers de motivation au quotidien.

mercredi 24 octobre 2012

5 bonnes raisons d'évaluer la personnalité des sportifs

Evaluer la personnalité des sportifs de haut niveau est une pratique courante aux Etats-Unis, notamment dans les sports collectifs. Elle l'est nettement moins en France... et pourtant! Voici 5 bonnes raisons d'évaluer la personnalité des sportifs.

1-Faire les bons recrutements.  Dans les sports collectifs, un entraîneur ou un sélectionneur a tout intérêt à se pencher sur la personnalité du sportif qu'il entend recruter. Si les qualités techniques et physiques d'un sportif sont primordiales pour réussir à haut niveau, sa personnalité peut aussi expliquer les réussites et les échecs de recrutement.Les critères à prendre en compte pour établir le "profil de personnalité idéal" sont notamment : le niveau d'exposition du joueur, le rôle confié au sein du collectif et le style de l'entraîneur.
Le niveau d'exposition ? Les exemples de joueurs ayant du mal à gérer le passage de leur club formateur à un club plus exposé sont légions. Des traits de personnalité comme la résistance émotionnelle et l'adaptabilité jouent un rôle non négligeable dans ces difficultés.
Le rôle au sein du collectif? Prenons l'exemple du cyclisme : avoir un rôle d'équipier suppose des qualités différentes d'un rôle de leader. On attendra plutôt de l'équipier des qualités de discipline, de réceptivité aux conseils, d'altruisme, et du leader des qualités d'influence sur les autres.
Le style de l'entraîneur? Un sportif particulièrement autonome "fonctionnera" mieux avec un entraîneur au management participatif qu'avec un entraîneur très directif.

2- Bien intégrer les sportifs. Bien connaître un sportif qui rejoint une équipe permet de mieux l'intégrer. Parmi les bonnes pratiques possibles : s'assurer d'un accueil proactif du capitaine et des coéquipiers pour intégrer des personnalités inhibées, prévoir un soutien logistique du club pour des personnes manquant d'organisation, donner des responsabilités dans la vie de groupe aux personnalités influentes.

3- Faciliter le travail de l'entraîneur. L'entraîneur ne gère pas tous les sportifs de la même manière. Un joueur manquant de confiance en lui aura par exemple besoin d'être rassuré, un joueur trop confiant aura plutôt besoin d'être challengé. D'où l'importance de donner des clés à l'entraîneur pour bien connaître chaque sportif, et pour lui permettre d'individualiser son management en fonction des besoins et particularités de celui-ci.

4- Fournir une base à un travail de préparation mentale. Le bilan de personnalité, lorsqu'il s'accompagne d'un retour auprès du sportif, lui permet de prendre conscience de ses points forts et de ses axes de progrès d'un point de vue mental. Il constitue alors une solide base de départ  pour travailler tel ou tel aspect (gestion du stress, motivation, confiance en soi, concentration) avec un préparateur mental.

5- Améliorer le fonctionnement de l'équipe. A partir de bilans de personnalité réalisés par les sportifs, il est possible d'identifier des rôles manquants dans l'équipe, d'analyser des réussites et des échecs, et enfin de faciliter la communication entre les sportifs.




jeudi 18 octobre 2012

Avouer ou non?

Dans le cadre de l'enquête menée par l'USADA sur les pratiques dopantes de Lance Armstrong, plusieurs coureurs encore en activité ont reconnu s'être dopés, entre autres : George Hincapie, Levi Leipheimer, David Zabriskie. On notera là qu'il s'agit d'aveux bien peu spontanés.

Avouer ou pas? Voilà le dilemne auquel sont confrontés les sportifs ayant eu recours à des substances interdites. Une analyse (non exhaustive) des principaux coûts et bénéficies permet de mieux comprendre cette décision.

Les bénéfices de l'aveu :
- sur le plan psychologique, soulager sa conscience : un bénéfice particulièrement fort pour les sportifs dont les valeurs personnelles s'opposaient à leur pratique dopante et aux mensonges que celle-ci impliquait. L'aveu permet alors de mettre fin à ce que les psychologues appellent une "dissonance cognitive".
- sur le plan psychologique toujours : se prémunir du risque que la découverte soit faite par les douanes ou les autorités sportives et donc s'épargner une épreuve sans doute plus difficile encore.
- sur le plan sportif :  réduire la suspension  induite par la mise en évidence par les autorités de la pratique dopante, si toutefois un accord a été négocié au préalable avec les autorités sportives ou de lutte anti-dopage (comme cela est le cas pour plusieurs cyclistes concernés par cette affaire).

Les coûts de l'aveu :
- sur le plan social : une image dégradée auprès du grand public et des proches. Encore que... le fait d'avouer et donc de faire amende honorable génère un certain sentiment d'indulgence, voire d'admiration lorsque l'aveu est totalement spontané.
- sur le plan social : un risque de "mise à l'écart" par les autres sportifs, à la fois ceux qui estiment que la loi du silence a été trahie, et ceux qui s'estiment lésés par la concurrence malhonnête induite par le dopage.
- sur le plan sportif : une suspension, accompagnée parfois d'un licenciement. La remise en cause du palmarès également.
- sur le plan économique : une baisse de revenus liée à la rupture de contrats (de travail, de sponsoring).

Si l'aveu procure des gains sur le plan psychologique, il est risqué sur le plan social, sportif et financier. Voilà pourquoi les aveux spontanés sont rares, et concernent généralement des athlètes dont la carrière est terminée. En effet, pour ces derniers,  les coûts sportifs et financiers sont faibles voire parfois inexistants. A contrario, les gains sur le plan psychologique sont forts, certains ayant  besoin de se réconcilier avec eux-mêmes pour prendre un nouveau départ dans la vie.


dimanche 14 octobre 2012

Un temps pour tout

L'équipe de France de football s'est inclinée 1-0 vendredi contre le Japon. Après le match, la presse a appelé les joueurs à se remettre en cause, à analyser leurs failles collectives et individuelles en vue du match contre L'Espagne ce mardi. La plupart des journalistes invitent les joueurs à faire leur auto-critique, à ne pas chercher de fausses excuses, à s'alarmer du niveau de jeu ou du manque d'efficacité. Exemple ce dimanche dans l'Equipe, où un chroniqueur commente l'attitude des joueurs après-match : "Micros ouverts, les joueurs ont tous plus ou moins disserté sur l'injustice qui leur avait été faite, sur leur domination, les progrès entrevus... Tout un bla-bla dénué d'auto-critique vraiment tangible".

Appeler à un travail d'auto-critique à quelques jours d'un match capital n'est pas une bonne idée. C'est oublier que l'une des variables-clés pour la performance sportive est la confiance en soi. Face à un enjeu important, un joueur ou une équipe confiants en eux vont aborder l'évènement avec motivation. Un même enjeu va a contrario produire du stress chez une équipe qui doute. Et le stress, à partir d'un certain niveau devient contre-productif : selon les joueurs, il se traduira par de l'inhibition, de l'agressivité, ou des problèmes d'attention. L'introspection, la capacité à analyser avec objectivité ses performances est certes essentielle à haut niveau. Mais avant l'évènement, c'est davantage la confiance en soi qui doit être travaillée : valoriser les joueurs, insister sur les points forts, mettre en avant les bonnes intentions de jeu plutôt qu'un résultat décevant paraît plus approprié. Il y a un temps pour tout.

mercredi 10 octobre 2012

Choisir le bon entraîneur

L'an dernier, la Ligue 2 de football a vu 5 de ses entraîneurs débarqués en cours de saison. Cette année, après 10 journées, pas moins de 3 entraîneurs ont été priés de faire leurs valises. Ces départs prématurés s'ajoutent à la grande valse des entraîneurs, qui anime classiquement les inter-saisons.

Les licenciements d'entraîneurs ont de lourdes conséquences, en particulier en cours de saison. D'abord pour les entraîneurs concernés, qui auront parfois du mal à retrouver un banc, et qui devront se relever sur le plan psychologique de cette séparation. Mais aussi pour les clubs : indemnités de licenciement conséquentes, nécessité de trouver un successeur parfois dans l'urgence, flottements dans la gestion sportive avec le risque d'une démobilisation des joueurs.

Pourquoi la "durée de vie" d'un entraîneur professionnel à son poste est-elle si limitée, par rapport à des fonctions de management dans des secteurs d'activités "classiques"?

Une première explication est liée à l'exigence de résultats. Les enjeux financiers et d'image sont tels qu'un club ne peut se permettre de végéter dans le fond du classement. Le fusible le plus "naturel" est l'entraîneur, qui paye alors les mauvais résultats du club, dont il n'est évidement qu'en partie responsable.

La seconde explication est l'inadéquation du profil de l'entraîneur par rapport au poste qu'il occupe. La séparation n'est alors que la conséquence d'un échec annoncé.

Bien définir le profil d'entraîneur que l'on recherche et prendre le temps d'évaluer en profondeur les candidatures pourrait prévenir bon nombre de séparations. Les entreprises l'ont bien compris : entretiens, questionnaires de personnalité, mises en situations,  études de cas sont autant d'outils pour clarifier le profil d'un candidat et s'assurer qu'il correspond bien à leurs attentes.

Est ce que je recherche un entraîneur plutôt directif ou participatif?
Quelles sont les motivations profondes de cet entraîneur?
Comment va-t-il se comporter vis-à-vis de son staff?
Comment va-t-il s'entendre avec le président?
Saura-t-il résister à la pression?
Va-t-il s'adapter à la culture du club?
....
Autant de questions qu'il paraît indispensable de se poser pour sécuriser le recrutement d'un entraîneur, et contribuer ainsi à la bonne santé sportive et financière d'un club.