mercredi 21 novembre 2012

"Ils ne mouillent pas le maillot!"

Lorsque leur club favori subit une série de défaites, c'est souvent la même explication qui revient chez les supporters : "Les joueurs ne mouillent pas le maillot. Ils ne font pas les efforts. Ce sont des mercenaires, ils s'en fichent du club." Explications données avec des trémolos d'indignation dans la voix.

Le point qui m'interpelle : pourquoi les supporters privilégient presque toujours cette explication-là? Je ne dis pas qu'elle est fausse, elle s'applique sans doute dans certains cas. Mais certainement pas dans la majorité. Bien d'autres raisons peuvent expliquer une série de défaites : un niveau de jeu trop faible, une crise de confiance, une fatigue due à l'accumulation des efforts, un manque de réussite, des conflits au sein du groupe... Alors pourquoi cette explication revient si facilement dans la bouche des fans, parfois contre l'évidence même?


C'est parce qu'elle leur procure des bénéfices : pas au sens financier bien sûr, mais au sens psychologique. Pas toujours conscients, mais pour autant très puissants. Quels sont-ils?


  • De l'espoir : si les joueurs mouillent enfin le maillot, le club redressera la barre. Ce serait par exemple beaucoup plus désespérant d'expliquer les échecs successifs par un manque de talent : difficile d'élever son niveau du jour au lendemain.
  • Un échappatoire à leurs émotions négatives : face à de mauvais résultats, un supporter expérimente des émotions négatives : tristesse, amertume, colère. Il est utile dans ce cas d'avoir un bouc émissaire sur qui cristalliser ses émotions. Les joueurs, avec l'entraîneur, sont souvent des coupables tout désignés. Il est plus facile de s'énerver contre quelqu'un qui ne fait pas d'effort, que contre un pauvre bougre en manque de confiance, de réussite, ou de talent.
  • Un bénéfice identitaire : en mettant les joueurs plus bas que terre, on apparaît par comparaison comme quelqu'un de bien. "Avec tout ce qu'ils gagnent en plus!" (comprendre : par rapport à moi qui gagne beaucoup moins et qui pourtant soutient l'équipe à fond). "Ce ne sont que des mercenaires" (comprendre : par rapport à nous qui soutenons le club depuis toujours, nous, les vrais piliers du club).

Il ne s'agit pas de dire que les supporters qui réagissent ainsi ont tort sur le fond. Il arrive effectivement que des équipes ou des joueurs démissionnent. Il ne s'agit pas non plus d'assimiler ces supporteurs à des calculateurs machiavéliques (ces "calculs" sont bien souvent inconscients).  Mais d'affirmer que les supporters sélectionnent souvent cette explication parmi d'autres, parce qu'elle présente pour eux un meilleur ratio coûts/bénéfices.

mercredi 7 novembre 2012

Après quoi courent-ils?


Derrière l'image habituelle du sportif beau, jeune, riche et en bonne santé, se cache souvent une toute autre réalité : la vie du sportif de haut niveau n'a rien d'évident. Les sources de stress sont nombreuses : difficultés à conjuguer la carrière sportive avec la vie familiale, scolaire ou professionnelle; incertitude du résultat, pression liée aux attentes des proches et du grand public, incertitudes sur le renouvellement des contrats, blessures. Bref, le parcours du sportif est souvent un parcours du combattant fait de sacrifices, de moments de doutes, de tensions fortes. Vu  sous cet angle, on peut légitimement se demander ce qui motive les sportifs à mener une carrière à haut niveau. Autrement dit, APRES QUOI COURENT-ILS? 



Une revue de la littérature en psychologie du sport m'a amené à isoler 6 SOURCES DE MOTIVATION, certaines dites "intrinsèques", c'est à dire en lien direct avec la pratique du sport, d'autres dites "extrinsèques", c'est à dire liées à des bénéfices découlant indirectement de la carrière à haut niveau.

Parmi les sources intrinsèques :
- le dépassement de soi : faire du sport pour se challenger, se dépasser, progresser, battre ses propres records. 
- la recherche d'émotions : la pratique du sport est alors fortement associée à la recherche de bien-être. On retrouve par exemple cette motivation chez des sportifs en fin de carrière, qui estiment qu'ils n'ont plus rien à "prouver", et continuent "pour le plaisir".
- le goût de la compétition : le sport de haut niveau donne l'occasion de se confronter aux autres. Les personnes qui ont un esprit de compétition développé, qui s'évaluent par rapport aux autres, qui ont le besoin d'être le (la) meilleure(e) trouvent dans le sport de haut niveau un terrain de jeu particulièrement propice.

Parmi les sources extrinsèques :
- la reconnaissance sociale : le haut niveau est associé à une forme de célébrité. Etre admiré, reconnu, apprécié du grand public et des médias peut clairement être un moteur pour certains sportifs.
- la reconnaissance des proches : le haut niveau est souvent une affaire de famille. Répondre aux attentes conscientes ou non d'un parent, d'un entraîneur, d'un conjoint est souvent au coeur de la motivation du sportif.
- le niveau de vie : dans les sports les plus médiatiques, les carrières sont fortement rémunératrices. L'argent est ainsi un puissant moteur pour les personnes, en particulier lorsqu'elles viennent de milieux sociaux modestes.

Le profil de motivations est différent d'un sportif à l'autre. Prendre conscience de son profil s'avère un réel atout pour un sportif désireux de gérer au mieux sa carrière. Cette connaissance est également essentielle pour le staff, que ce soit pour recruter le sportif ou pour jouer sur les bons leviers de motivation au quotidien.